1764 . «  D’azur à trois abeilles d’or ». Le célèbre économiste physiocrate Louis-Paul Abeille (1719-1807) marquait d’abeilles dorées au fer la reliure des livres de sa bibliothèque…

Louis-Paul Abeille (Toulouse, 1719- Paris, 1807), installé à Rennes, devient avocat au Parlement de Bretagne, et achète la charge royale de procureur des Maréchaussées. Secrétaire de Louis-René Caradeuc de la Chalotais, procureur général du Parlement de Bretagne, il dresse à ce titre la « Table générale par matières des registres du Parlement de Bretagne » depuis sa création. Intéressé par les questions économiques, il se joint au projet rennais de Société d’agriculture, de commerce et des arts. Il en rédige les « Corps d’observations de la Société d’Agriculture, de Commerce & des Arts, établie par les États de Bretagne » avec le négociant et armateur nantais Jean-Gabriel Montaudoin de La Touche (1722-1780). En 1764, il est nommé conseiller au Contrôle général pour le commerce et les manufactures ; en 1765 inspecteur général des manufactures et du commerce ; en 1768, secrétaire du Bureau du commerce.

En 1763, Louis-Paul Abeille publie les «Lettres d’un négociant sur la nature du commerce des blés », dans lesquelles il expose et défend la doctrine physiocratique, souvent résumée par la formule du médecin et économiste François Quesnay (1694-1774) : «la prospérité de l’agriculture est la source de toutes les richesses de l’Etat et de celles de tous les citoyens » . Sollicité par les disciples de l’économiste malouin Vincent de Gournay (1712-1759), il rejoint l’école physiocratique fondée par Quesnay quelques années auparavant, et considérée comme la première école d’économie politique structurée de l’époque moderne.

Louis-Paul Abeille multiplie dès lors textes et brochures, largement diffusés en Europe, dont ses «Réflexions sur la police des grains en France et en Angleterre» (1764), puis ses « Principes sur la liberté du commerce des grains »: il y défend la liberté du commerce des grains, et l’importance du développement d’une agriculture moderne pour la prospérité individuelle et générale. Il se sépare cependant de l’école à la fin de la décennie, par un échange de correspondances avec son secrétaire Pierre Samuel Du Pont de Nemours (1739-1817), futur fondateur de la dynastie industrielle des Du Pont de Nemours aux Etats-Unis. Anobli par lettres patentes du roi Louis XVI en date du 13 janvier 1787, Louis-Paul reprend les armes antiques de la famille Abeille : «  D’azur à trois abeilles d’or »1.

On retrouve les idées physiocratiques dans plusieurs manuels d’apiculture du XVIIIe siècle et, par exemple, chez l’apiculteur Guillaume-Louis Formanoir de Palteau, auquel l’historien belge Nicolas BIEBUYCK vient de consacrer une recherche documentée, qui évoque nombre d’auteurs d’ouvrages apicoles du XVIIIe siècle: « Guillaume-Louis Formanoir de Palteau, un apiculteur français des Lumières », mémoire de recherche en Histoire, Université catholique de Louvain, 2019, 170p.

Citation : « Les partisans de la liberté n’ont cessé de dire et de répéter que l’unique police, en matière de subsistances, consistait à laisser aller les choses d’elles-mêmes; à ne faire sentir la main de l’administration que contre les obstacles à une entière liberté ; que le commerce des grains, qui, parmi nous, est à peine effrayé, se montera tout seul; que la sûreté, pour tous les temps, pour toutes les circonstances, sera le fruit immédiat d’une exportation et d’une importation entièrement libres. » (in : Principes sur la liberté du commerce des grains , 1768)

Une reliure aux armes de Louis-Paul Abeille (coll. de l’auteur), et une ruche en paille (mais en plusieurs éléments superposables), sur une planche hors texte de l’édition de 1757 des Corps d’observation […] de Bretagne.


Les principaux textes économiques de Louis-Paul Abeille.

NB: Souvent initialement publiés sans nom d’auteur, ils sont presque tous accessibles en ligne, en particulier sur le site de la BNF:

1757-1758 : (éd.) Corps d’observations de la Société d’Agriculture, de Commerce & des Arts, établie par les États de Bretagne  [avec une ruche en planche initiale…]

1763 : Lettres d’un négociant sur la nature du commerce des blés 

1764 : Réflexions sur la police des grains en France et en Angleterre

1767 : Effets d’un privilège exclusif en matière de commerce sur les droits de propriété

1768 : Faits qui ont influé sur la cherté des grains en France et en Angleterre

1768 : Principes sur la liberté du commerce des grains

1789 : Mémoire présenté par la Société royale d’agriculture à l’Assemblée nationale, le 24 octobre 1789 , sur les abus qui s’opposent aux progrès de l’agriculture, & sur les encouragemens qu’il est nécessaire d’accorder à ce premier des Arts

1790 : Observations de la Société d’agriculture de Paris sur l’uniformité des poids et mesures

Légende: « Non oderis laboriosa opera, et Rusticationem creatam ab Altissimo / Ne hais ni les travaux laborieux ni l’élevage ordonné par le Très Haut » (Eclesiast. C.VII. V.16). Et «Qui operatur terram sum satiabitur / Qui travaille la terre sera comblé » (Prov. C. XII. V. II). Illustration extraite de : Pierre Samuel Du Pont de Nemours, Physiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain, Leiden, Merlin, 1768-1769, 2 vol. 


NOTES

1 Cf. http://www.blason-armoiries.org/heraldique/a/abeille.htm