
> « Le Voyage de Gênes », enluminure par Jean Bourdichon du récit de Jean Marot, parchemin, vers 1508, conservé à la BNF.
Au printemps 1507, le roi de France Louis XII sort, sur son cheval bai, de la forteresse d’Alexandrie (Alessandria, Piémont) pour aller reprendre le contrôle de la ville rebelle de Gênes (Genova, Ligurie). Sur son armure, il porte une cotte d’armes blanche semée d’abeilles d’or, autour d’une ruche, et bordée aux entournures de la devise : « NON VTITVR ACVLEO REX CVI PAREMVS » (« Le Roi qui nous commande n’utilise pas son aiguillon »). Le carapaçon de son destrier porte les mêmes symboles.

Né en 1462, succédant à Charles VIII, Louis de Valois d’Orléans est sacré roi de France en 1498 et règne jusqu’en 1515 : François Valois Angoulême lui succède alors sous le nom de François Ier. Duc de Milan de 1499 à 1512, roi de Naples de 1501 à 1504, Louis XII a mené de nombreuses campagnes en Italie, principalement contre les Aragonais, les Vénitiens, les Sforza et les Suisses : elles s’achèveront par sa défaite à la bataille de Novare en 1513.

« Le Voyage de Gênes » est un manuscrit enluminé commandé par le roi Louis XII au poète en titre et chroniqueur Jean Marot (v.1450-v.1526, père du poète Clément Marot). Celui-ci a suivi le roi dans ses campagnes italiennes, avec pour mission de les célébrer, ce qu’il fait successivement dans Le Voyage de Gênes, puis dans Le Voyage de Venise. Les enluminures des textes sont attribuées à Jean Bourdichon (v.1457-1521), peintre et enlumineur de la Cour de France sous quatre monarques, de Louis XI à François Ier. Celle des abeilles est la cinquième de ces enluminures.

On s’attache souvent au manteau impérial de Napoléon Ier, de couleur pourpre et semé d’abeilles d’or, et que Victor Hugo a évoqué dans l’un de ses célèbres poèmes (Le Manteau impérial, 1853). Mais l’empereur n’a fait là que reprendre la vieille tradition de la chrétienté occidentale et de la monarchie française de la « ruche anthropomorphique » : la société des hommes est une ruche, dont l’ordre parfait est assuré par un roi tout-puissant, juste, équanime, et aimé de tous. Celui-ci n’a pas besoin d’utiliser son dard (son épée), car sa seule présence témoigne de sa toute-puissance, mais aussi de sa magnanimité à l’encontre de ses ennemis ou adversaires vaincus. Sur sa cotte d’armes (ou tabard) et sur le carapaçon de son destrier bai, c’est ce qu’entend signifier la devise « Non utitur aculeo … ». On signalera que Louis XII avait pour symbole un autre animal « piquant », le porc-épic, que l’on voit sur la cotte d’armes de certains des chevaliers qui l’accompagnent.

REFERENCES:
Bibliothèque nationale de France, BNF Français 5091, folio 15, verso, format 31×21 cm
Les récits imprimés de Jean Marot : « Sur les deux heureux voyages de Gênes et Venise victorieusement mys à fin par le Très Chrestien Roy Loys douziesme de ce nom, père du peuple, et véritablement escriptz par iceluy Jan Marot, alors poete et escrivain […). On les vent à Paris devant l’esglise Saincte-Geneviefve des Ardens, rue Neufve Nostre-Dame, à l’enseigne du Faulcheur… [chez Pierre Roffet], 1533, 204p.
Fac simile sur BNF-Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70794h.r=bpt6k708714+OR+bpt6k70795v+OR+bpt6k70794h.langFR
Sur l’armée du roi lors de la marche sur Gênes en 1507: http://rohanturenne.blogspot.fr/search/label/1507%20Genova

L’entrée du roi à Gênes