1641 : « Le Parlement des Abeilles », une pièce satirique de John Day, à Londres.

> «  The Parliament of Bees » : gravure dans l’ouvrage de John DAY, « The Parliament of Bees, With their Proper Characters. Or a Bee-hive furnisht with twelve Hony-combes, as Pleasant as Profitable. Being an Allegorical description of the actions of good and bad men in these our daies. By Iohn Daye, Sometimes Student of Caius College in Cambridge » [Le Parlement des Abeilles, avec leur propre caractère. Ou une Ruche équipée de douze rayons, aussi agréable que profitable. Soit une description allégorique des agissements de bonnes et de mauvaises personnes de nos jours. Par John Day, qui a fréquenté le Collège Caius de Cambridge], London, printed for William Lee, 1641.

«  The Parliament of Bees / Le Parlement des Abeilles » : une assemblée de quinze abeilles, la plupart en demi-cercle autour de la reine couronnée sur son trône : une abeille dépose à la barre, debout face à la reine. Dans un angle, une ruche.»


L’auteur

John Day (Norfolk, 1574 – v.1638-1640) est un dramaturge de la période élisabéthaine (Elisabeth Ière, 1558-1603 ; Jacques Ier, 1603-1625). Il ne reste que quelques mois au Collège Gonville and Caius de Cambridge, dont il ext exclu pour vol d’un livre en 1593 (d’où l’allusion sur la page de titre de son ouvrage). Il commence à écrire ou co-écrire des pièces en prose ou en vers pour le théâtre à la fin du siècle : une trentaine au moins, pour la plupart perdues, dont on ne connaît souvent que les titres, et qui n’ont guère nourri leur auteur. Day semble avoir affectionné les allusions satiriques et humoristiques aux mœurs de son temps.

Le Parlement des Abeilles, une satire des mœurs politiques du temps

Son texte le plus connu est « Le Parlement des Abeilles », vraisemblablement écrit entre 1607 et 1616, mais imprimé seulement en 1641. Au plan littéraire, il s’agit d’un « masque », une forme de spectacle de cour qui se développe sous Elisabeth Ière, et qui mêle tous les arts scéniques (théâtre et poésie, musique, chant et danse, pryotechnie parfois). Le texte, dialogué, comprend douze églogues pastorales (une par mois), poèmes ou récits souvent inspirés des Bucoliques de Virgile. Ces églogues entendent « relater sous une forme attrayante les agissements, les naissances, les guerres et les séductions (ou courtisaneries) du peuple des abeilles. »

Las abeilles ont donc installé un parlement, présidé par Prorex, « Master Bee » -fonction difficile à traduire, peut-être un vice-roi ? Ce parlement connaît des plaintes déposées contre le faux-bourdon, le bourdon, la guêpe et autres insectes nuisibles. Le malheureux Prorex est incapable de maîtriser l’agitation, et les invectives et parfois même les coups qui s’échangent dans l’assemblée. Prorex doit même être défendu par un de ses gardes du corps-lancier, qui fait usage de son dard. Finalement, seule l’entrée du roi Obron permet de rétablir l’ordre, de rendre la justice, et de bannir les délinquants. Le texte satirique de Day renvoie clairement à une critique du parlement de l’époque, secoué par des pugilats entre factions, et par contraste, à une valorisation de la fonction et du rôle de la reine Elisabeth. La souveraine étant souvent explicitement comparée, dans les ouvrages britanniques de l’époque traitant d’apiculture à … « la reine des abeilles », gouvernant fermement mais magnanimement la ruche (c’est-à-dire la société des hommes).

Charles Butler, auteur de « The Feminine Monarchie... » (1609)

L’ouvrage de John Day est dédicacé « à George Butler, Professor of the Arts ». Mais il pourrait peut-être s’agir en réalité de Charles Butler (1560–1647), grammairien et musicoloque, considéré comme un des fondateurs de l’apiculture britannique comme auteur, en 1609, d’un ouvrage qui connaît un retentissement immédiat et durabe: « The Feminine Monarchie or a Treatise Concerning Bees, and the Due Ordering of Them [La monarchie féminine, ou Traité concernant les Abeilles, et leur bon gouvernement]. » Maintes fois réédité, traduit en latin, il sera cité jusqu’au XVIIIe siècle par nombre d’auteurs européens. Rédigé parfois dans une orthographe aussi particulière que déconcertante, mais remarquablement clair sur le fond et dans sa mise en page, il synthétise des informations nombreuses et récentes, qu’il confronte aux idées traditionnelles. Dans l’esprit de l’époque, Butler affirme que les abeilles vivent sous « UNE MONARCHIE PARFAITE, CETTE FORME LA PLUS NATURELLE ET LA PLUS ABSOLUE DE GOUVERNEMENT » [en majuscules dans le texte], reflétant l’ordre divin et naturel. Sujets fidèles du monarque, les abeilles, parées de multiples qualités, lui manifestent « attention, respect, amour, loyauté, obéissance … ». Elles offrent donc un admirable modèle au peuple anglais.

Mais l’apport majeur est évidemment celui que proclame le titre de l’ouvrage: la ruche est bel et bien « une monarchie féminine ». Butler s’en explique longuement, et c’est une forme de révolution copernicienne dans la ruche, car il Butler remet ainsi en cause un postulat bi-millénaire, celui d’un roi commandant des abeilles qui sont des mâles. Désormais, ceux que l’on disait mâles parce que portant un dard, sont en réalité des femelles -reine et abeilles; et celles que l’on disait femelles parce que sans dard, sont bel et bien des mâles -les faux-bourdons! «Ici il faut dire qu’à la fois la raison et l’observation prouvent pleinement que le prince et ses sujets armés sont des femelles : les abeilles ou nourrisseuses comme leur chefs. Il faut répéter que les abeilles sont des femelles… » 


SOURCES

> DAY John [1641], « The Parliament of Bees, With their Proper Characters. Or a Bee-hive furnisht with twelve Hony-combes, as Pleasant as Profitable. Being an Allegorical description of the actions of good and bad men in these our daies. By Iohn Daye, Sometimes Student of Caius College in Cambridge » [Le Parlement des Abeilles, avec leur propre caractère. Ou une Ruche équipée de douze rayons, aussi agréable que profitable. Soit une description allégorique des agissements de bonnes et de mauvaises personnes de nos jours. Par John Day, qui a fréquenté le Collège Caius de Cambridge], London, printed for William Lee, 1641.

> Edition commentée: BULLEN A.H. (ARTHUR Henry, 1857-1920) [1881], The Works of John Day, now first collected, with an introduction and notesLondon, Chiswick, 1881, 706p. (en ligne)

> BUTLER Charles [1609], « The Feminine Monarchie or a Treatise Concerning Bees, and the Due Ordering of Them [La monarchie féminine, ou Traité concernant les Abeilles, et leur bon gouvernement] », Oxford, Barnes, 1609, 238p.

> GOLDING S.R. [1927], « The Parliament of Bees »The Review of English Studies1927, vol.3 Part II, p.280-307

> FUDGE Erica (ed.) [2004], « Renaissance Beasts : Of Animals, Humans, and Other Wonderful Creatures », University of Illinois Press, 2004, 256p.

> BURDY Jean-Paul [2010], Le “Roi des Abeilles”. Confusion des sexes dans la ruche et genre du pouvoir politique en Europe à l’Epoque moderne (XVIe-XVIIIe), in TURHAN Ali Vahit et alii (dir.), Tarabya çalişmalarï. 20.yïl armağan kitap [Les études de Tarabya], Istanbul, Marmara Universitesi Yayïnlarï, 2010, 432p., p.59-74

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