Boris Mikhaïlovitch Muzalevski (1908-1941), ou la stalinisation frénétique de l’apiculture soviétique dans les années 1930.


Le destin des 5 personnages apparaissant sur une photographie  de l’équipe scientifique du Centre de Toula avant les purges staliniennes (photo non datée: fin des années 1920?):

  • A.S.Boutkievitch (1859-1942 : auteur prolifique depuis le début du XXe siècle, il ne publie plus d’articles nouveaux après 1930 ; il semble avoir été arrêté en 1933 [mention : “арест”], sans plus de précisions).
  • LI.Perepelova (1896-1991 ; chercheuse en apiculture, épouse de Tiounin, elle quitte Toula pour suivre son mari en 1933, avant qu’il ne parte au goulag : elle peut le retrouver entre 1943 et 1949, puis entre 1955 et 1960)
  • G.A. Kojevnikov (1890-1933 : destitué de son professorat par le recteur de l’Université de Moscou A.I .Vychinski [le futur procureur des grands procès staliniens] en 1929 ; chassé de son emploi en 1930 ; mort en 1933 lors d’un interrogatoire du GPU),
  • A.S. Mikhaïlov (1890-1952 : malgré son autocritique publique en 1931, il est arrêté et condamné en 1933)
  • F.A.Tiounin (1891-1960 : rétrogradé de son poste de directeur en 1931 ; arrêté en 1933, 10 ans au goulag ; à nouveau arrêté en 1949, au goulag jusqu’en 1955)
  • Curieusement, aucune photographie de Muzalevski n’a pu être trouvée dans les sources papier accessibles, ou sur internet. Selon un moteur de recherche, une photo apparaîtrait cependant dans la fiche Muzalewski dans : NAUMKIN Vladimir Petrovitch / Владимир Петрович Наумкин [2008] Золотой фонд пчеловодства России [Le Fonds d’or de l’apiculture russe],  Орёл, Орловский государственный аграрный университет ГАУ (Orël : Orel State Agrarian University), 2008,  166p. Nous n’avons pas pu accéder à cet ouvrage.

Des difficultés méthodologiques à faire une prosopographie soviétique …

L’étude prosopographique des apidologues et apiculteurs soviétiques de la première moitié du XXe siècle à partir des sources soviétiques/russes contemporaines (en gros des années 1960 à aujourd’hui) amène très vite à repérer des hiatus, et une langue de bois stéréotypée.  Les hiatus sont évidents dans la biographie des personnalités étudiées, qui disparaissent souvent brutalement dans les années 1930, sans que soient précisées les causes de cette disparition, alors qu’elles ne sont souvent pas très âgées. La langue de bois s’applique à deux processus. On peut, tout d’abord, relever des ruptures de carrière brutales et non expliquées, des destitutions pour le moins surprenantes en matière de responsabilités exercées. Le directeur d’un important centre de recherche se retrouve ainsi au mieux chargé des ruches, et au pire disparaît de l’organigramme. Le changement de responsabilité est expliqué dans les sources par un simple processus institutionnel (une commission moscovite décide d’un changement d’affectation, au profit d’un inconnu brusquement promu, mais qui semble avoir les titres requis pour ses nouvelles tâches). L’autre élément de langage tient à l’hagiographie systématique de la biographie : « Untel a été un brillant chercheur qui a contribué au prestige et aux progrès de l’apiculture soviétique ». Tout en maintenant un silence total sur certaines périodes et sur certains épisodes.

Les biographies « officielles » contemporaines, qu’elles soient sur des sites institutionnels (universités, centres de recherche) ou dans la presse apicole (papier ou, désormais, sur internet) sont remarquablement redondantes et répétitives. On peut ainsi lire 10, 12, 20 fois la même fiche biographique sur des supports différents. Et ce n’est qu’à la 13e, ou la 21e, que l’on tombe sur des données biographiques correspondant à l’histoire de la dictature soviétique au temps de Staline : toute une génération de chercheurs / scientifiques, jeunes ou vieux, est engloutie dans les purges de la répression stalinienne dans les années 1930. Nombreux sont ceux qui sont exécutés par le NKVD ; chanceux sont ceux qui ne sont condamnés « qu’à » 10 ans de camp, tarif forfaitaire le plus courant au titre de l’article 58 du code pénal, éventuellement renouvelable une fois sur simple décision administrative. Et ceux qui disparaissent sont remplacés par des thuriféraires de Staline, anti-darwiniens primaires, mitchouriniens ou lyssenkistes frénétiques, qui entendent balayer la « science bourgeoise » qui freine ou sabote la nouvelle économie soviétique. Et qui ont, pour accéder à leurs nouveaux postes, dénoncé leurs collègues auprès des « Organes » comme « comploteurs » et autres « saboteurs », les envoyant ainsi devant le peloton d’exécution ou dans un des camps de l’archipel du Goulag. Nous présentons ainsi l’un de ces staliniens de choc, qui a dénoncé ses maîtres et collègues pour prendre leur place, et staliniser l’apiculture au nom de « nouveaux principes scientifiques » globalement délirants, et qui vont contribuer à affaiblir durablement l’apiculture soviétique : Boris Mikhaïlovitch Muzalevski (1908-1941). Les sources contemporaines le présentent presque toujours et très pudiquement comme un « brillant jeune chercheur » ayant apporté « une remarquable contribution à l’apiculture soviétique ». Et disparu en Biélorussie au début de la « Grande guerre patriotique ». Jusqu’à ce que l’on découvre, après une recherche fastidieuse[1], un auteur, Vadim Alexandrovitch Goubine, qui ose présenter le personnage dans une autre perspective qu’une hagiographie stéréotypée autant qu’insignifiante.  

Une promotion politique fulgurante

Boris Mikhaïlovitch Muzalevski (1908-1941) suit des études de zootechnique à Moscou, passant en 1927 par la Station expérimentale d’apiculture de Leningrad.  Il est accueilli comme jeune chercheur (il a alors 20 ans) au Centre expérimental d’apiculture de Toula en 1928.  Mais dès l’année suivante, il est envoyé « en mission de dékoulakisation » par le Commissariat du Peuple à l’Agriculture de la RSFSR et le Soviet de l’apiculture -une structure sur laquelle on manque cruellement de détails. Selon un des hagiographes canal habituel, il « s’y enrichit de connaissances et d’expérience pratique dans la lutte implacable contre les koulaks. »  Boris Mikhailovich, désormais apparemment influent à Moscou et à Leningrad malgré son jeune âge et son manque d’expérience professionnelle, revient ensuite à Toula pour procéder à la « dékoulakisation » de la Station expérimentale. Pour cela, il entreprend immédiatement une critique radicale des activités des chercheurs de la Station, concluant que ceux-ci ne faisaient rien moins que saboter depuis des années l’économie apicole soviétique, et donc travaillaient plus largement à saboter l’agriculture du pays.  Au plan « scientifique », Muzalevski attaque frontalement la biologie comme discipline, les thèses darwiniennes et les recherches biologiques appliquées aux abeilles. Boris Mikhailovich présente dès lors à Moscou la proposition d’éliminer toutes les stations expérimentales d’apiculture créées depuis les années 1920, pour réorienter la science apicole selon les principes du marxisme-léninisme décrétés par Staline. Ce qui est effectif par un décret du NKZ (le Commissariat du peuple à l’Agriculture, Народный комиссариат земледелия, НКЗ) et du Présidium de l’Académie des Sciences de l’Union soviétique. La décision a été prise le 17 mai 1930 par un plénum du VASKhNIL (l’Académie des sciences agricoles de toute l’Union soviétique V. I. Lénine, créée en 1929. ВАСХНИЛ est l’acronyme de Всесоюзная академия сельскохозяйственных наук имени В. И. Ленина) . Pour Toula, c’est le directeur F.A. Tiounin qui est chargé de présenter un projet d’organisation d’un « Institut pansoviétique de recherche scientifique de l’apiculture », qui va succéder à l’historique « Station apicole expérimentale de Toula » le 1er octobre 1930. Le vent tourne brutalement: la dernière tâche confiée à Tiounin est la liquidation du Centre expérimental qu’il avait largement monté. Puis il est immédiatement écarté, et Muzalevski prend sa place. Les chercheurs avaient eu l’occasion d’apprécier ses qualités depuis quelques mois…

Le 21 juillet 1930 Piotr Mitrofanovich Komarov (1890-1968), disciple du célèbre professeur G.A. Kozhevnikov à Moscou, et spécialiste de la sélection et de la reproduction des reines, reçoit un courrier de Muzalevsky, à qui il avait demandé qu’il lui envoie des faux-bourdons de Bachkirie pour ses expériences. « Cher Petr Mitrofanovich! Je suis rentré hier d’une réunion à Sverdlovsk (…), et j’ai reçu votre carte postale (…) J’ai bien rigolé en lisant le protocole mis au point à Toula sur les paquets d’abeilles. Vous pensez probablement que vous travaillez sur des questions importantes, alors qu’elles sont des plus médiocres. Je refuse de vous envoyer les mâles (…) Car notre objectif, c’est exclusivement un travail industriel, et pas un travail de bidouillage. Alpatov n’est qu’un vil effronté. Son article sur les ruches est celui d’un illettré du début à la fin. A Sverdlovsk, il a totalement échoué la recherche sur le trèfle commencée par Gubin. Un bel imbécile. Il faut soit réussir dans la production, soit expulser (…). Je suis en train de lancer une grosse affaire en mettant au grand jour la vieille meute dirigée par Kojevnikov et ses jeunes pousses. Je crois que tout ici dépend des convictions politiques. En août, nous verrons si l’idée révolutionnaire va gagner, ou si l’école pré-révolutionnaire charlatane dominera encore la 14ème année [de la Station]. Signé : Muzalevski. »

Une publication collective de 1931 (couverture ci-dessous), la première du nouvel Institut pansoviétique, donne en 130 pages la substance et de la critique du « vieux monde », et du projet « socialiste scientifique » portés par Muzalevski:  « К социалистической реконструкции пчеловодства. Против идеологического и практического вредительства в научно-исследовательском пчеловодном деле Файлы. Сельское хозяйство. Пчеловодство » [Vers une reconstruction socialiste de l’apiculture. Contre la démolition idéologique et pratique dans la recherche et développement en apiculture.[2] L’ouvrage, dont les titre et sous-titres sont des plus explicites, entend rendre publiques « les conclusions de la Commission pour la vérification des résultats des travaux des stations d’apiculture expérimentales de Toula, Moscou et Leningrad « [3] . »


1930: affiche pour la « Dékoulakisation des kolkhozes »


C’est LE manifeste pour la stalinisation de l’apiculture soviétique. Ladite commission de vérification est composée de cinq  personnes, dont quatre sur lesquelles on ne sait rien: A.M.Kariakin, Birstioukov, A.Mitropolski, Timofeev; et B.M.Muzalevski. Si son président en titre est Kariakin, un ancien employé de la station de Toula, c’est bien Muzalevski qui mène l’offensive, tient la plume, et se distingue par une agressivité sans limite. Il est vrai qu’il vient de connaître une promotion fulgurante. A peine diplômé de l’Institut zootechnique de Moscou, il est nommé à 22 ans directeur du tout nouvel Institut pan-soviétique de recherche scientifique sur l’apiculture, en charge de liquider les contre-révolutionnaires et de bâtir la nouvelle science socialiste de l’apiculture ! Ce poste prestigieux lui donne toute latitude de démolir les équipes en place depuis la révolution, en  diffamant des collectifs entiers de scientifiques de toutes générations. Le réquisitoire est abondant. Le rapport de la commission de vérification est très clair : tous les comploteurs nommés dans le rapport ont causé directement et indirectement de gros dégâts à l’industrie apicole. Deux conséquences : « il faut immédiatement éloigner Fiodor Alekseïevich Tiounin de la direction de la station de Toula. Et il faut transmettre tous les cas cités aux organes d’enquête. ». Chercheur confirmé et reconnu à Toula pour ses travaux sur la variabilité morphologique et physiologique des abeilles et sur l’abeille caucasienne (Apis mellifera caucasica), Alexeï Semonovitch Mikhailov (1890-1952) fait, quant à lui, son autocritique publique. Il avoue dans l’ouvrage collectif que «la direction précédente du Centre de recherche expérimentale sur l’apiculture était fondamentalement dans l’erreur». Et en demande pardon dans une véritable lettre de pénitence [4].  La chasse aux « contre-révolutionnaires » est lancée. Toute l’équipe des chercheurs en apiculture des principales stations soviétiques est démantelée, envoyant ses membres au mieux au Goulag, au pire à la mort.

Démanteler la science bourgeoise,  éliminer les contre-révolutionnaires

 «L’histoire de dix ans d’existence d’une école pseudo-scientifique d’apiculture  dans des stations dites expérimentales est très instructive, et mérite qu’on y prête grande attention. Car elle illustre toute l’essence contre-révolutionnaire du travail scientifique du passé, et ne peut que nous indigner. Nous avons formé une commission de vérification des travaux des stations apicoles expérimentales de Leningrad, Moscou et Toula.  Ses conclusions sont autant d’accusations très graves contre ces stations. Ainsi pour Leningrad, les travaux d’Alexei Semenovich Mikhailov sur l’acclimatation de l’abeille grise caucasienne. Ainsi à  Toula, sur le magazine Le Rucher expérimental (Опытная пасека), organe de l’idéologie koulake et de collaboration avec les ennemis de classe du gouvernement soviétique[5]. Si Tiounine est le rédacteur en chef du magazine, son animation était  confiée au scélérat contre-révolutionnaire Anatoli Stepanovich Butkevitch. Quand le comité éditorial appelle à  élargir le cercle des lecteurs en une grande famille amicale, c’est bien évidemment un appel aux forces contre-révolutionnaires renversées par le pouvoir soviétique à se rassembler à la station apicole de Tula. L’apolitisme apparent [de la revue] était un réalité un écran derrière lequel se cachait un nid de la Garde blanche [les contre-révolutionnaires de 1918-1920]. Au lieu de contacter kolkhozes et sovkhozes, la revue préfère entretenir des relations étroites  avec les prêtres, les propriétaires, et les officiers de la Garde blanche : le magazine a publié avec diligence de nombreux articles du pope Podolski, et de nombreux autres prêtres : Kroutchenski, Bagin, le koulak Yartsev… Les cours dispensés à Toula n’étaient qu’un tremplin pour la diffusion des idées contre-révolutionnaires les plus néfastes dans l’apiculture. Les postes de responsabilité à la station de Toula étaient occupés avec diligence par des enfants de prêtres, des enfants de koulaks, les propriétaires, etc. : le travail réactionnaire de la station exigeait des exécuteurs réactionnaires. Il importe de dénoncer dans ces stations expérimentales le crétinisme dans l’environnement scientifique, et l’analphabétisme zootechnique. Car ces soi-disant « scientifiques », Mikhailov, Alpatov et autres ont consacré l’essentiel de leur temps à étudier la diversité des abeilles, leur variabilité des abeilles, et ont même élaboré des formules permettant de déduire la longueur de la trompe des abeilles en fonction de leur région d’implantation avec une prétendue méthode d’analyse statistique de la variabilité des abeilles.  Anatoli Stepanovich Butkevitch[6] a été également chargé d’éditer une Encyclopédie d’apiculture [7]. Pour ce dernier objectif, Tiounine a réuni à Toula, Boutkievitch et Pavel Livovitch Snejnevskii, ce qui signe un projet de complot contre-révolutionnaire. »

La logorrhée de Muzalevski contre ses collègues – dont certains sont des sommités scientifiques- n’est que l’application au domaine apicole des accusations qui nourriront les innombrables procès staliniens, engagés contre tous les secteurs de l’activité économique dans les années 1930. Si l’on connaît bien les procès des ingénieurs, des conducteurs de locomotives, etc., on connaît moins les procès sectoriels dans l’agriculture. L’ouvrage de 1931 l’illustre pour la recherche en apiculture, avec les mêmes chefs d’accusation ainsi formulés par Muzalevski:  « crétinisme scientifique, analphabétisme zootechnique, absence de scrupules dans le travail scientifique, malhonnêteté, idéologie koulake, travail scientifique réactionnaire, travail scientifique contre-révolutionnaire »,  etc. Une fois les complots contre-révolutionnaires des « ordures criminelles » (sic) longuement détaillés, la commission peut informer les lecteurs d’un certain nombre de nouvelles réalisations dans le domaine de la science de l’apiculture.

Boris Mikhaïlovitch Muzalevski se fait fort de développer de nouvelles méthodes pour augmenter le cheptel apicole, augmenter les rendements de l’élevage d’abeilles et donc ceux des cultures pollinisées. Il présente une méthode d’évaluation rapide des qualités reproductrices des reines d’abeilles. L’une de ses formules révolutionnaires peut laisser perplexe : « Les colonies faibles sont meilleures que les fortes ». L’un de ses collègues propose donc d’affaiblir volontairement les essaims en retirant de la ruche les 5e et 7e cadres… Il préconise la généralisation de l’insémination artificielle des reines pour la reproduction. En particulier, il entend imposer l’incubation du couvain d’abeilles sans abeilles, dans des chambres chauffées artificiellement ; la multiplication des colonies en divisant en 10 à 40 parties une colonie existante, sur place, sans déplacer les ruches (il affirme que si les abeilles déjà écloses retournent à leur ruche d’origine, celles qui éclosent restent sur place) ; la généralisation des ruches vitrées, et donc la création d’usines de production de ruches vitrées, etc. Il préconise de nourrir les abeilles avec du lait[8], un de ses collègues prônant de son côté un énigmatique mélange poire+miel. Soit un ensemble de mesures dont certaines sont totalement irrationnelles au regard des lois de la biologie et des pratiques apicoles rationnelles développées depuis un demi-siècle. Mais deux « sciences bourgeoises » sont à éradiquer d’urgence: la génétique mendélienne, interdite; le darwinisme, remplacé par une “biologie marxiste”. Sous la férule du camarade technicien agricole et généticien auto-proclamé Trofim Denissovitch Lyssenko (1898-1976), spécialiste de la production de fourrage, l’enseignement scolaire et universitaire est purgé de toute référence à la génétique ou à Darwin – et le restera jusqu’en 1965… Boris Mikhaïlovitch Muzalevski est l’un des acteurs de ce processus, appliqué à la science des abeilles.

Boris Mikhaïlovitch va beaucoup circuler dans les années 1930.  Il reste quatre ans à la direction de la station de Toula de l’Institut pansoviétique de l’apiculture. Il part ensuite en Ukraine en 1934 à la station d’apiculture – à l’époque de la dékoulakisation et de la grande famine (l’holodomor) . L’hagiographe résume : « Entre 1934 et 1938 il est chercheur à la Station expérimentale d’apiculture ukrainienne. Ses travaux ont contribué au développement de la science et de la pratique de l’apiculture soviétique ». Il fait également un bref passage à la Station d’apiculture d’Arménie.  Pendant cette itinérance, il est évidemment chargé de purger et de staliniser les différentes institutions apicoles du pays. On le retrouve à Minsk en 1938, comme directeur du Laboratoire apicole rattaché à la Station de recherche horticole biélorusse, chargé de développer en Biélorussie les kolkhozes et les sovkhozes pour l’essaimage artificiel des abeilles. Il disparaît à Minsk en 1941, lors de l’offensive allemande.  En 1968, l’Institut d’apiculture publie à Moscou une plaquette de 30 pages retraçant la brillante carrière de Boris Mikhaïlovitch Muzalevski, « apiculteur talentueux et grand scientifique chargé de la reconstruction socialiste de l’apiculture ». Pas une ligne en revanche sur son importante contribution à la liquidation de tout un pan économique de l’apiculture en question (malgré des statistiques évidemment triomphantes, il semble bien que la production de miel se soit effondrée en URSS à partir des années 1930). Et pas un mot non plus sur sa contribution personnelle à la liquidation de toute une génération de scientifiques et techniciens qui se consacraient aux abeilles parfois depuis des décennies . [9]

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

NAUMKIN Vladimir Petrovitch / Владимир Петрович Наумкин [2008] Золотой фонд пчеловодства России [Le Fonds d’or de l’apiculture russe],  Орёл, Орловский государственный аграрный университет ГАУ (Orël : Orel State Agrarian University), 2008,  166p.

(Collectif, dont B.M.MUZALEVSKI)  [1931]  К социалистической реконструкции пчеловодства. Против идеологического и практического вредительства в научно-исследовательском пчеловодном деле Файлы. Сельское хозяйство. Пчеловодство [Vers une reconstruction socialiste de l’apiculture. Contre la démolition idéologique et pratique dans la recherche et développement en apiculture.] Издание Всесоюзного института пчеловодства [Publication de l’Institut pan-soviétique de l’apiculture], Сборник статей / Collection d’articles, Тула /Toula, 1931, 139p. (LE manifeste pour la stalinisation de l’apiculture)

MUZALEVSKI Boris Mikhaïlovitch (Музалевский Борис Михайлович, 1908-1941)  [1931], Корма и кормление. Сб. «К социалистической реконструкции пчеловодства» [Nourrir et nourrir, dans : « Vers une reconstruction socialiste de l’apiculture],  Издание Всесоюзного института пчеловодства [Publication de l’Institut pan-soviétique de l’apiculture], Тула 1931, p.56.-78  

MUZALEVSKI Boris Mikhaïlovitch (Музалевский Борис Михайлович, 1908-1941)  [1934], « Рефлекс выкормки расплода в пчелиных семьях разной величины [Reflexe d’élevage de couvain dans les familles d’abeilles de différentes tailles] »,  Пчеловодство / Apiculture no12, 1934.

MUZALEVSKI Boris Mikhaïlovitch (Музалевский Борис Михайлович, 1908-1941)  [1934], « Основные принципы размножения пчел [Principes de base de la reproduction des abeilles] » Пчеловодство / Apiculture  no1, No 4-5, 1934.

MUZALEVSKI Boris Mikhaïlovitch (Музалевский Борис Михайлович, 1908-1941)  [1935], « Итоги опыта по искусственному размножению пчел [Résultats de l’expérience sur la reproduction artificielle des abeilles] »,  Пчеловодство / Apiculture , No 5, 1935.

MUZALEWSKIJ B.M. [1935], Bruteifer und Schwarmgrösse [Le couvain et la taille des essaims], Königsbruck, A. Pabst, 1935

(Anonyme) [1968], Борис Михайлович Музалевский (1908-1941) [Boris Mikhaïlovitch Muzalevski],  Москва, Науч.-исслед. ин-т пчеловодства, Москвoвckий рабочий, 1968, 30p.

SENOKOSOV Yuri Petrovitch (Сенокосов Юрий Петрович, 1938-)   [1989], Суровая драма народа: Ученые и публицисты о природе сталинизма [Le drame cruel du peuple: les scientifiques et les publicistes sur la nature du stalinisme], Политиздат, 1989, 510p.

CHERKASOVA А.I, DAVYDENKO I.K. et alii (А.И. Черкасова, И.К. Давыденко и др,) [1991],  Словарь-справочник по пчеловодству [Dictionnaire-livre de référence sur l’apiculture]  Киев, Урожай[Kiev, Récolte], 1991, 416p.


NOTES

[1] Pour une preuve archivistique complète (dossiers administratifs, ordres, procès-verbaux de commission, dossier d’adhésion au Parti, dossiers de l’OGPU/NKVD), il faudrait évidemment consulter des sources primaires :  les archives d’État (fonds du NKVD, archives des  Instituts et autres universités, archives régionales). Et les fonds de Mémorial encore accessibles. Nous nous contentons ici de sources secondaires.

[2]          (Collectif, dont B.M.MUZALEVSKI)  [1931]  К социалистической реконструкции пчеловодства. Против идеологического и практического вредительства в научно-исследовательском пчеловодном деле Файлы. Сельское хозяйство. Пчеловодство [Vers une reconstruction socialiste de l’apiculture. Contre la démolition idéologique et pratique dans la recherche et développement en apiculture.] Издание Всесоюзного института пчеловодства [Publication de l’Institut pan-soviétique de l’apiculture], Сборник статей / Collection d’articles, Тула /Toula, 1931, 139p. (LE manifeste pour la stalinisation de l’apiculture)

[3] « Комиссии по проверке итогов работы бывших Тульской, Московской и Ленинградской опытных пчеловодных станций », in : Collectif 1931, op.cit.

[4] Ses travaux sur l’acclimatation de l’abeille caucasienne en Russie centrale sont violemment dénoncés par Mouzalevski. La repentance publique de Mikhailov ne lui permet d’échapper que très provisoirement à la punition qui va frapper ses collègues « ennemis du peuple » : les geôles du NKVD et/ou le Goulag. Mais il ne publie plus après 1930, et est arrêté en 1933 sans qu’on ait plus de détails. Cf. MIKHAILOV Alexeï Semonovitch   (Михайлов Алексей Семенович, 1890-1952) [1928],  К вопросу об акклиматизации кавказской серой горной пчелы в средней полосе СССР [Sur la question de l’acclimatation de l’abeille grise du Caucase dans la partie centrale de l’URSS]   Опытная пасека / Rucher expérimental, 1928, № 1, p.11-15. ; [1930],  Кавказская пчела на красном клевере [L’Abeille caucasienne sur le trèfle rouge],  Кавказская пчела / L’abeille du Caucase, 1930, № 12, p.44.

[5]    Tous les grands noms de l’apiculture russo-soviétique ont signé des articles dans cette revue :  Kh.N. Abrikosov, V.V. Alpatov, L.E. Arens, A.F. Gubin, K.A. Gorbatchev, G.A . Kojevnikov, I.I.Korablev, V.I.Loginov, A.S. Mikhaïlov, L.I.Perepelova, S.A. Rozov, et A.E. et I.A. Titov, V.Yu.Shimanovski, etc.

[6]          Anatoli Stepanovich  Butkevitch (1859-1942) avait été déporté pendant plusieurs années en Sibérie sous l’Empire, pour « menées révolutionnaires narodnistes »…

[7]          Sur les 7 volumes initialement prévus de la Систематическая энциклопедия пчеловодстват [Encyclopédie systématique d’apiculture], seuls trois tomes paraîtront à Toula en 1928, Muzalevski mettant un terme immédiat au projet de Butkievitch.

 [8] Брюханенко А. Н. (Briukhanenko A.N.) [1952], « Новый успех в кормлении пчел молоком  [Nouveau succès dans l’alimentation des abeilles avec du lait] »,  Журнал «Пчеловодство», No 4, 1952.


 [9]          (Anonyme) [1968], Борис Михайлович Музалевский (1908-1941) [Boris Mikhaïlovitch Muzalevski],  Москва, Науч.-исслед. ин-т пчеловодства, Москвoвckий рабочий, 1968, 30p.

Из жизни пчел и пчеловодов / De la vie des abeilles et des apiculteurs

Pour le lecteur russophone, nous reproduisons le texte originel de Goubine sur la stalinisation de l’apiculture à Toula, sur lequel nous nous sommes largement appuyé.

Source : GOUBINE Vadim Alexandrovitch / ГУБИН Вадим Александрович (+2003)[2017] Из жизни пчел и пчеловодов [De la vie des abeilles et des apiculteurs], revue en ligneжурнал Пчеловодство, Moscou, 20/6/2017.URL :https://beejournal.ru/istoriya/iz-zhizni-pchel-i-pchelovodov  

Из жизни пчел и пчеловодов

    Категория: История пчеловодства  Опубликовано: 30 июня 2017

сокровищница наших деяний, свидетельница прошлого, пример и поучение для настоящего, предостережение для будущего.

Невежество — это демоническая сила, и мы опасаемся, что оно послужит причиной еще многих трагедий.

К.Маркс

Драматические тридцатые годы прошлого столетия оставили глубокий трагический след и в пчеловодстве. Трудно рассказывать о несчастьях тех дней, но сделать это необходимо, даже если участники тех событий давно ушли из жизни.

Научная и просветительская деятельность ученых XIX–ХX вв. — А.М.Бутлерова, Г.А.Кожевникова, Н.Б.Насонова, И.А.Каблукова, Н.М.Кулагина и многих других — пришлась на то время, когда интерес к пчеловодству постоянно усиливался. Возникали споры и даже иногда некоторая конкуренция с элементами уязвленного или неуязвленного самолюбия. Все это было. Не было только той беспощадной ожесточенности, которая пришла в нашу жизнь в конце двадцатых — начале тридцатых годов ХХ в.

К 1926 г. в стране работало несколько опытных станций : Ленинградская, Московская, Тульская, Казанская, Саратовская, Харьковская и Северо-Кавказская. Наибольшую известность приобрели Тульская, Московская и Ленинградская.

Заведующему Тульской опытной станцией Федору Алексеевичу Тюнину, вокруг которого собрался коллектив талантливых и увлеченных ученых, за несколько лет удалось сделать многое.

В 1926 г. Ф.А.Тюнин выпустил первый номер научно-практического пчеловодного журнала «Опытная пасека». Его издатели — Тульская станция и Тульское пчеловодное товарищество — поставили перед собой цель расширить и углубить научно-исследовательское дело и содействовать развитию общественно-кооперативного движения в отрасли.

Журнал сразу же привлек к себе внимание. В число его авторов вошли такие ученые, как Х.Н.Абрикосов, В.В.Алпатов, Л.Е.Аренс, А.Ф.Губин, К.А.Горбачев, Г.А.Кожевников, И.И.Кораблев, В.И.Логинов, А.С.Михайлов, Л.И.Перепелова, С.А.Розов, А.Е. и И.А.Титовы, В.Ю.Шимановский, и другие видные деятели пчеловодства. По своей содержательности (как научное издание) журнал занимал едва ли не первое место среди пчеловодных журналов мира. В 1930 г. редакционная статья, открывавшая первый номер «Опытной пасеки», заканчивалась словами: «Опытные пчеловодные учреждения должны стать и будут научными организаторами нового пчеловодства в нашем Союзе».

Какие же были предпосылки для столь оптимистического взгляда?

Прежде всего это большая программа научных работ, подготовленная профессором Г.А.Кожевниковым, научным консультантом Тульской станции, еще в 1926 г. Она затрагивала практически все разделы пчеловодной науки, была не только принята опытными станциями, но и дополнена вопросами, связанными с опылением растений и химией меда и воска.

Постоянное участие профессора Г.А.Кожевникова в исследованиях, проводившихся на опытных станциях, а также в лабораториях Московского университета его учениками и последователями, позволяло говорить о научной школе профессора Г.А.Кожевникова, принадлежность к которой стала, к сожалению, причиной трагической судьбы его бывших воспитанников.

В 1926–1929 гг. научные сотрудники Тульской станции сумели выполнить огромный по объему и качеству план научных работ, опубликованных в эти же годы в журналах «Опытная пасека» и «Пчеловодное дело», издававшегося А.Е.Титовым с 1921 г. Многие из них и в наши дни не потеряли своей актуальности. Благодаря А.С.Михайлову в исследованиях по изменчивости пчел быстро нашел свое место метод вариационно-статистического анализа. В 1928 г. А.С.Михайлов впервые провел инструментальное осеменение маток по Уотсону, а в 1929 г. он исследовал процесс образования спермы у трутней. В это время на Тульской станции изучала пчел-трутовок, причины роения, поведение пчел внутри и вне гнезда, акарапидоз и другие вопросы биологии пчел ученица Г.А.Кожевникова Л.И.Перепелова, ставшая впоследствии известным ученым.

Заведующий опытной станцией и редактор журнала «Опытная пасека» Ф.А.Тюнин пользовался большим авторитетом не только как ученый, но и как организатор. Благодаря его усилиям в короткий срок станция превратилась в научное учреждение, не имевшее себе равных ни по составу сотрудников, ни по оснащенности лабораторий, а журнал имел славу лучшего научного пчеловодного издания страны.

Профессор Г.А.Кожевников, часто бывая на Московской станции, поддерживал взгляды ее заведующего — А.Ф.Губина, изучавшего эффективность опыления красного клевера среднерусскими пчелами. Позднее эти исследования легли в основу разработки в Институте пчеловодства метода дрессировки пчел, получившего высокую оценку К.Фриша.

Успешная научная, хозяйственная и издательская деятельность Тульской станции привели к мысли о ее реорганизации и создании на ее базе Всесоюзного института пчеловодства с сетью зональных опытных станций. Такое решение было принято 17 мая 1930 г. пленумом ВАСХНИЛ. Проект организации Института было поручено разработать Ф.А.Тюнину. Он был подготовлен и утвержден. Но огромная работа коллектива Тульской станции и ее заведующего Ф.А.Тюнина не превратилась в радостное событие. Оно было омрачено закрытием журнала «Опытная пасека». Становилось ясно, что грядут тяжелые времена.

21 июля 1930 г. П.М.Комаров, впоследствии научный руководитель В.В.Тряско, открывшей явление полиандрии у медоносных пчел, получил письмо от Б.М.Музалевского, который направил его в ответ на просьбу выслать из Башкирии, где тот находился тогда в командировке, трутней, необходимых, для исследований. Этот исторический документ, проливающий свет на многие события, произошедшие позднее, заслуживает того, чтобы быть приведенным полностью.

Уважаемый Петр Митрофанович! Вчера вернулся с совещания в Свердловске по зональной станции и по этому же вопросу из Уфы и получил Вашу открытку. Выслать пчел не можем, т. к. пароходы из-за мелей перестали ходить, а лошадьми 200 верст. От души посмеялся над Тульским протоколом по пакетам. Думаете наверное, что решаете важнейшие вопросы. Ведь это же бездарно.

Трутней выслать отказываюсь. Экстерьерной дрянью не интересуемся. У нас исключительно деловая промышленная работа без всякой халтуры. Алпатов (ученик Г.А.Кожевникова — В.Г.) большой нахал. Его статья о породах вновь безграмотна от начала до конца. В Свердловске провалил всю работу по клеверу, начатую Губиным. Довольно валять дурака. Надо заставить делать дело или выгнать. Вы не имели права заниматься стандартизацией инвентаря, так же как и фигурировать спецом по выводу маток. Начинаю большое дело по обличению всей старой своры во главе с Кожевниковым и его порослью. Я считаю, что все здесь зависит и от политических убеждений. В августе увидим, победит ли революционная мысль или 14-й год будет господствовать шарлатанская дореволюционная школа. Музалевский».

Такое письмо, похожее на черную пиратскую метку, не могло не повергнуть в шоковое состояние тех, кто в нем упоминался. Вскоре в странном издании под названием «К социалистической реконструкции пчеловодства» (Сборник статей. Тула, 1931) были опубликованы выводы «Комиссии по проверке итогов работы бывших Тульской, Московской и Ленинградской опытных пчеловодных станций». Открывался сборник подзаголовком «Против идеологического и практического вредительства в научно-исследовательском пчеловодном деле». Что же скрывалось за этим, пугающим читателей, названием, которое не сулило ничего хорошего? 15 страниц разоблачений, подготовленных Комиссией по проверке итогов работы бывших Тульской, Московской и Ленинградской опытных пчеловодных станций в составе А.М.Карякина, Берстюкова, Б.М.Музалевского, А.Митропольского и Тимофеева. Хотя официальным председателем был бывший сотрудник Тульской станции А.М.Карякин, фактически возглавлял Б.М.Музалевский, отличавшийся не только агрессивностью, но и способностью воплощать ее в письменной форме.

Продвижение Б.М.Музалевского по служебной лестнице ошеломляюще стремительно. Едва закончив Московский зоотехнический институт, он был назначен на должность директора только что организованного Всесоюзного научно-исследовательского института пчеловодства. Уже находясь в этой должности и выступая в роли главного обвинителя во вредительской работе «в научно-исследовательском пчеловодном деле», Б.М.Музалевский не скрывал своего стремления возглавить новое «социалистическое» пчеловодство и пчеловодную науку даже ценой опорочивания целых коллективов честных и талантливых ученых.

Обвиняя сотрудников опытных станций в «контрреволюционной сущности научной работы», авторы «Заключения» находили объяснение вредительству в науке не только «кулацкой идеологией”, «реакционностью научной работы», но и просто «кретинизмом научной работы», «зоотехнической безграмотностью» и обычной «недобросовестностью». В «кретинизме» был обвинен А.С.Михайлов с его биометрическими исследованиями, как, впрочем, и «другие научные кадры опытных станций». Зоотехнически безграмотными оказались все тот же А.С.Михайлов и В.В.Алпатов, а «недобросовестностью в научной работе» отличались от других А.Ф.Губин и снова А.С.Михайлов.

Обратив свое внимание на редакцию журнала «Опытная пасека» и его главного редактора Ф.А.Тюнина, комиссия интерпретировала призыв редакции расширять круг читателей и «сплачиваться в единую дружную семью исследователей пчелы» как призыв «к контрреволюционным силам, преданным делу свержения советской власти», собираться на Тульской пчеловодной станции. Перечисляя ее «политические» грехи, а также и журнала «Опытная пасека», комиссия утверждала, что «кажущаяся аполитичность на деле являлась ширмой, за которой скрывалось белогвардейское гнездо». «Вместо связи с колхозами и совхозами» — сообщала далее комиссия, — «журнал держал тесную связь с попами… помещиками, белогвардейскими офицерами…». «Проводимые курсы являлись плацдармом для оглашения вреднейших контрреволюционных идей в пчеловодстве…».

Приписав Тульской станции и журналу «Опытная пасека» множество подобного рода политических преступлений, направленных на свержение советской власти, комиссия подытожила свое исследование следующим сообщением:

«…штаты Тульской станции старательно укомплектовывались детьми попов, детьми кулаков, быв. помещиками и т. д. Реакционная работа станции требовала реакционных исполнителей… В огромной степени нанесли ущерб пчеловодному хозяйству прямым и косвенным вредительством… Присоединиться к требованию… о немедленном снятии Ф.А.Тюнина с работы… и передаче дела следственным органам».

Далее комиссия ознакомила читателей с опубликованным в том же издании «рядом новейших достижений пчеловодной науки».

О каких же достижениях идет речь? Вот что, писал, например, Б.М.Музалевский в своих статьях, посвященных все той же «социалистической реконструкции пчеловодства»: «…мы должны признать, что… нектар и пыльца как подножные корма должны быть причислены нами к наименее эффективным и… с точки зрения зоотехнии — к случайным кормам». «Заслуживают внимания опыты Асмуса кормления пчел чистым глицерином… он не подвергается брожению, следовательно, нечего и думать, что глицериновый мед мог бы закиснуть. Асмус рекомендует употреблять самый лучший глицерин — белого цвета, но пчелы едят также охотно и желтый» (с. 69 сборника).

«Так называемые корифеи пчеловодства привыкли поклоняться изначальной целесообразности, всевозможным гармониям природы, гармониям пищеварительного тракта пчел и т.п. ерунде… и имеют склонность указывать на то, что главную роль играет добавление в корм сахара или меда». Далее, в посрамление корифеев Б.М.Музалевский описывает опыт А.Тишкова, спасшего своих пчел от голода подкормкой разведенными в воде яйцами с добавление сахарина. Подобными «новейшими достижениями» переполнены все страницы этого замечательного издания. Ни на минуту не сомневаясь в своей всесильности и вседозволенности, автор только что разоблачив «вредительские» работы выдающихся научных работников, заложивших основы пчеловодной науки в нашей стране, преподносит своим читателям откровенную галиматью.

Диктаторские замашки молодого человека, только что получившего диплом зоотехника, подавляли любые возражения в той научной среде, где подобные методы вызывали шок и оцепенение. Все 139 страниц сборника, наполнены беспочвенными обвинениями и угрозами, наглыми невежественными заключениями относительно вышедших в те годы превосходных научных работ и пчеловодных книг, подвергавшихся «общественным судам» и попадавших в результате таких судилищ в категорию «книжного хлама», «утильсырья» или «вреднейших в политическом отношении книг».

Упомянутый выше талантливый исследователь А.С.Михайлов был вынужден просить прощения в опубликованном в самом конце сборника покаянном письме, в котором, подобно Галилею, признавал, что «прежнее направление опытно-исследовательской работы по пчеловодству в основном было неправильным».

Подобное отречение как бы прощало А.С.Михайлову его «ошибки» в глазах комиссии, и он избежал того наказания, которому подвергся Ф.А.Тюнин, на много лет отправленный как враг народа в мордовские лагеря.

То, о чем здесь рассказано, лишь сотая часть, которая сотрясала души преданных пчеловодству и науке людей в 1930 и в 1931 гг. и которая имела и далее свои трагические последствия. В результате Б.М.Музалевский занял директорское кресло Института пчеловодства вместо изгнанного фактически руководимой им комиссии выдающегося деятеля пчеловодной науки Ф.А.Тюнина.

Манипулируя политическими лозунгами того смутного времени и выискивая где только возможно политический и научно-производственный «криминал», комиссия обвинила в политической и научной неблагонадежности и устранила со своего пути образованнейших ученых и практиков таких, кaк Г.А.Кожевников, В.В.Алпатов, Ф.А.Тюнин, А.Ф.Губин, А.С.Буткевич, П.Л.Снежневский, Х.Н.Абрикосов, А.С.Михайлов, П.М.Комаров, А.Пелопидас, Г.Калайтан и многих других деятелей, составивших цвет и гордость пчеловодной науки.

Несомненно, что беспочвенные обвинения и ошельмовывание честных людей не могли не оставить в их жизни незаживающих шрамов, которые, к счастью не заставили их навсегда уйти из пчеловодства, но, безусловно, подорвали их здоровье и сократили жизнь. В память о тех, кто были первыми в нашей пчеловодной науке, ее основателях и без вины виноватых написана эта статья, лишь в малой степени позволяющая, представить себе пчеловодную драму тридцатых годов.

Давно ушли из жизни все действующие лица этих трагических событий. Преследуемым вернули их добрые имена, а преследователи, возможно, раскаялись в содеянном из-за слабости духа и неразумения того, что они творили.

В.ГУБИН


Carte des principales installations du Goulag entre 1930 et 1953