
Apis mellifera ruttneri (A.m.ruttneri, A.m.r.) est une sous-espèce endémique de l’archipel maltais. Elle n’est dénommée qu’en 1997, après l’étude de caractéristiques morphologiques qui la distinguent nettement des abeilles méditerranéennes voisines, en particulier A.m.sicula (l’abeille sicilienne) ou A.m.ligustica. (l’abeille italienne). Les analyses génétiques ont montré qu’elle est issue de la lignée africaine (la branche A) ; et une homogénéité interne assez élevée découlant du caractère insulaire de Malte. Ruttneri présente une morphologie compacte, une nervation alaire spécifique et une coloration sombre. Adaptée aux conditions insulaires chaudes et sèches, elle se caractérise par une tolérance thermique élevée, une gestion prudente du couvain et un butinage opportuniste, une résistance modérée aux parasites. Les études soulignant la menace croissante d’introgression par les abeilles commerciales extérieures – italiennes surtout – en 2024, après une campagne menée par des associations locales, l’État maltais a inscrit A.m.ruttneri comme « abeille nationale » insulaire, lançant un programme de conservation combinant zones protégées, suivi génétique et sensibilisation au problème de l’introgression.
1/ 1997 : La classification taxonomique récente d’une nouvelle sous-espèce d’Apis mellifera
La reconnaissance officielle d’Apis mellifera ruttneri (A.m.ruttneri) comme sous-espèce distincte de l’abeille domestique Apis mellifera remonte à 1997, année de publication de l’article fondateur de Walter S.Sheppard, Maria Arias, Arnold Grech et Marina D.Meixner [1]– article souvent cité dans notre synthèse. Cette étude constitue l’acte de description formelle selon les normes de la systématique zoologique, suite à plusieurs années de travaux morphométriques menés à Malte, et comparés à de vastes échantillons du bassin méditerranéen, et aux sous-espèces d’A.m. répertoriées. Les auteurs ont observé que les populations maltaises présentaient un ensemble cohérent de traits morphologiques spécifiques – dimensions alaires, pilosité, coloration, etc. L’article de 1997 marque donc l’entrée officielle de A.m.ruttneri dans la nomenclature taxonomique. Même si des observations empiriques antérieures suggéraient déjà une originalité des abeilles maltaises, aucune description formelle ne permettait d’en faire un taxon reconnu. Ultérieurement, diverses études génétiques confirmeront et affineront sa position phylogénétique dans la lignée africaine A des abeilles mellifères.
Dans la tradition taxonomique, nommer une espèce d’après un chercheur [2] est un hommage courant lorsque celui-ci a contribué de manière majeure à la compréhension du groupe biologique concerné [3]. Le nom « ruttneri » rend donc hommage à Friedrich Ruttner, l’un des plus influents taxonomistes et morphométriciens de l’abeille au XXᵉ siècle [4]. Ruttner a profondément structuré la classification moderne d’Apis mellifera grâce à ses recherches sur la morphologie alaire, la géographie des populations et les flux évolutifs au sein de l’espèce. Les auteurs de la description de 1997 (dont son élève Marina Meixner) ont donc choisi son nom pour reconnaître son rôle majeur dans l’élaboration de la systématique contemporaine des abeilles. La définition d’A.m.ruttneri comme sous-espèce s’appuie sur les valeurs statistiques obtenues par la méthode de Ruttner : l’addition d’arguments morphologiques et biogéographiques distincts des sous-espèces voisines – ultérieurement confortés par les analyses génétiques et les marqueurs mitochondriaux [5]. Ils définissent un groupe différencié, homogène et stable, évoluant dans des conditions insulaires d’isolement.
2/ Les caractéristiques morphologiques de l’abeille maltaise
Les analyses morphométriques d’A.m.ruttneri montrent un ensemble de traits caractéristiques qui la distinguent nettement des autres abeilles méditerranéennes [6]. L’abeille maltaise se présente comme une abeille de taille moyenne à petite, dotée d’une pilosité relativement sombre, d’une coloration générale brun foncé, et d’une faible présence de bandes tergitales claires. Son abdomen est l’un des plus larges au sein d’Apis mellifera. Les paramètres alaires constituent les critères les plus discriminants. Par rapport à sicula (sicilienne) et à intermissa (nord-africaine), ruttneri présente un indice cubital plus élevé ; des longueurs alaires légèrement réduites. Son disque alaire a une forme et une nervation spécifiques [7].

2015: les principales caractéristiques morphologiques de l’abeille de Malte
Comparée à l’abeille sicilienne A. m. sicula [8], qui appartient elle aussi à la lignée africaine A et est relativement petite, ruttneri affiche une pilosité plus sombre, une taille légèrement supérieure et une nervation alaire moins réduite. L’abeille d’Afrique du Nord A. m. intermissa se caractérise par une constitution plus robuste, une coloration plus claire (bandes tergitales jaunâtres) et une plus grande variabilité morphométrique. Les distinctions morphométriques entre sous-espèces méditerranéennes sont faibles, mais se révèlent significatives après la multiplication des analyses sur de grandes séries d’échantillons.

Les caractères morphologiques comparés de ligustica, sicula, intermissa et ruttneri. (extrait de l’article de 1997)
3/ Caractéristiques génétiques et risques d’introgression
Les analyses génétiques réalisées depuis la fin des années 1990 – d’abord fondées sur l’ADN mitochondrial, puis complétées par des marqueurs microsatellites et, plus récemment, par des approches génomiques – ont confirmé que Apis mellifera ruttneri appartient sans ambiguïté à la lignée africaine A, malgré sa localisation en Méditerranée centrale et sa proximité géographique avec A. m. ligustica. Ses haplotypes mitochondriaux se rapprochent fortement de ceux présents chez A. m. intermissa et A. m. sahariensis, avec une faible introgression des lignées M (nord-européenne) ou C (italo-balkanique). Mais avec cependant un profil génétique distinct, homogène, peu diversifié, qui correspond à un long processus d’adaptation insulaire sur un archipel de superficie réduite.
Les données disponibles depuis les années 2000 indiquent qu’Apis mellifera ruttneri est exposée à un risque croissant d’introgression génétique, principalement en raison de l’importation d’abeilles non autochtones à des fins apicoles commerciales. Cette menace est relativement récente : avant les années 1990, l’insularité de Malte et la faiblesse des importations garantissaient un isolement quasi complet. L’ouverture du marché apicole, puis la diffusion de reines commercialisées suite à l’arrivée de varroa en 1992, ont ensuite permis aux lignées extérieures — notamment A. m. ligustica et les hybrides Buckfast — d’entrer en contact avec la population locale [9]. Les premières analyses génétiques réalisées après 1997 montraient déjà des signaux faibles mais perceptibles d’introgression ligustica, à la fois par la proximité géographique, et parce que c’est l’une des sous-espèces les plus exportées au monde [10]. Les abeilles Buckfast créées par Frère Adam représentent aujourd’hui une source d’hybridation plus préoccupante [11] : leur diversité génétique élevée, leur large diffusion commerciale et leur capacité d’hybridation rapide augmentent le risque de dilution du pool génétique africain de l’abeille maltaise. Les derniers recensements morphologiques et génétiques montrent que la proportion d’abeilles non ruttneri a significativement augmenté dans l’archipel, et donc la tendance à l’introgression au détriment des lignées locales, un processus accéléré par la petite taille de l’archipel maltais.
4/ Les traits comportementaux et écologiques
Parfois définis comme relevant d’une « stratégie économe » typique des abeilles insulaires soumises à des ressources irrégulières, les traits comportementaux et écologiques d’Apis mellifera ruttneri reflètent une adaptation insulaire ancienne aux conditions arides (résilience hydrique élevée, gestion interne de l’eau optimisée), chaudes et ventées de l’archipel maltais. Parmi ses traits majeurs : une bonne tolérance à la chaleur, reposant sur une thermorégulation efficace du couvain ; et une capacité de butinage opportuniste lorsque les ressources florales sont réduites et éparses. Sur le plan comportemental, on note une dynamique de ponte modulée en fonction des ressources disponibles, ce qui réduit les risques d’effondrement en période sèche ; et une propension modérée à l’essaimage.
Au plan des comportements hygiéniques, la sous-espèce se distingue par une bonne résistance naturelle à certaines agressions (loques, champignons), avec une détection puis un nettoyage rapides des cellules infectées. Mais, contrairement à certaines populations d’origine africaine (capensis, scutellata), ruttneri n’est pasparticulièrement résistante au varroa [12], bien qu’assez active en toilettage (grooming).
Les faiblesses de l’abeille maltaise découlent de ces mêmes spécialisations. Le développement printanier de la ponte est assez lent, ce qui la rend moins réactive et performante pour les premières miellées brèves. Elle peut être assez sensible aux périodes froides prolongées. Comme pour d’autres taxons insulaires, l’isolement et la petite taille de la population historique (quelques milliers de colonies dans l’archipel) entraînent une diversité génétique réduite, ce qui peut constituer un facteur de vulnérabilité face à de nouvelles pressions environnementales.
Comparée à A. m. ligustica, prolifique, très productive et donc très utilisée en apiculture commerciale, A. m. ruttneri se distingue par une meilleure tolérance à la sécheresse et aux fortes températures ; par une adaptation opportuniste de l’activité aux ressources intermittentes ; par un développement printanier beaucoup moins explosif. Comparée à A. m. sicula, particulièrement adaptée aux sécheresses extrêmes pendant lesquelles elle réduit sa ponte, ruttneri est moins nerveuse, avec une plus grande stabilité de la colonie. Concernant le comportement défensif, ruttneri se situe à un niveau intermédiaire : en période de ressources faibles, elle est plus réactive que les lignées européennes réputées « douces » (ligustica, carnica), mais nettement moins agressive que certaines populations africaines (intermissa, scutellata, africanisées du Brésil).
5/ Quelles capacités d’adaptation au changement climatique?
L’abeille maltaise présente plusieurs traits qui suggèrent une résilience notable face aux stress émergents liés au changement climatique. Issue d’un environnement insulaire aux étés particulièrement chauds, secs et ventés, elle montre une forte tolérance thermique, un comportement de régulation active de la colonie (rythme de ponte) et une capacité à maintenir une activité de butinage à des températures où d’autres sous-espèces cessent de s’activer.
Les principales menaces pesant aujourd’hui sur A. m. ruttneri proviennent moins de l’environnement physique que de facteurs anthropiques. L’introgression génétique due à l’importation d’abeilles étrangères demeure la menace majeure, car elle peut diluer les capacités d’adaptation de ruttneri. S’y ajoutent la réduction continue des habitats mellifères par la pression démographique et l’urbanisation, l’usage de pesticides systémiques, l’arrivée de nouveaux pathogènes et parasites (notamment Varroa destructor), ainsi qu’un risque accru d’événements climatiques extrêmes qui fragiliseraient des colonies déjà affaiblies.
6/ La conservation et la protection d’A.m.ruttneri
Apis mellifera ruttneri a été scientifiquement reconnue en tant que sous-espèce distincte en 1997, après deux décennies de travaux préparatoires morphologiques et comportementaux pour sa description taxonomique, qui seront suivis par des études génétiques comparatives. Cette étape permet d’inscrire A.m.r. dans la nomenclature officielle, et lui donne un statut de « race nationale ». Au même moment commence à se poser la question de sa protection, l’abeille locale étant confrontée à plusieurs menaces : infestation par varroa, arrivée de sous-espèces commerciales, perte de pureté génétique, pression des maladies et de nouveaux parasites, changements de pratiques apicoles pour une production plus intensive de miel. L’article de 1997 se conclut par : « La probabilité de la voir disparaître est très élevée. »
La reconnaissance de 1997 ouvre la possibilité de sa protection. Des mesures de protection génétique et écologique ont été progressivement envisagées. Dans les années 2000, face aux menaces d’introgression par A. m. ligustica et Buckfast, des programmes de surveillance génétique ont été lancés, et des zones de sanctuarisation sont identifiées. D’autant que les colonies d’abeilles sont peu nombreuses dans l’archipel : moins de 3000 enregistrées en 2010, soit 0,019% du cheptel européen… Vont alors se réunir et se mobiliser autour de ce projet une coalition d’acteurs variés. Tout d’abord des apiculteurs locaux, jeunes ou non, professionnels et amateurs : le nom le plus souvent cité est celui d’un « agent agricole / Agricultural Officer », Arnold Grech (1937-), vieil apiculteur et éleveur de reines, qui est parmi les premiers à avoir souligné dès les années 1980, et surtout après l’arrivée de varroa, l’introduction de reines extérieures menaçant l’abeille locale. Cas rare, il est l’un des signataires de l’article de 1997, aux côtés de trois scientifiques [13]. Des universitaires et chercheurs maltais et étrangers (biologistes, généticiens) ont contribué aux travaux scientifiques préparatoires et consécutifs à l’article de 1997, et ont souligné la nécessité d’une action de protection face aux menaces [14]. Des acteurs associatifs s’y sont associés, relayés par des articles de presse, puis sur les réseaux sociaux.

Le tournant décisif est intervenu avec la création en juillet 2022 de la Fondation pour la conservation de l’abeille maltaise (Foundation for the Conservation of the Maltese Honey Bee / Fondazzjoni għall-Konservazzjoni tan-Naħla Maltija, FKNM [15]), une ONG née de l’initiative d’apiculteurs, d’amateurs éclairés, de scientifiques et de citoyens sensibles à la valeur patrimoniale d’A.m.r. Cette fondation a lancé des campagnes de sensibilisation, documenté juridiquement la nécessité de protection, et mobilisé la pression publique.
Depuis 2017, le 20 mai est la Journée mondiale des abeilles de l’ONU [16]. La Fondation a donc choisi le 20 mai 2023 pour adresser une requête à L’Autorité de l’environnement et des ressources (Environment and Resources Authority, ERA), demandant la reconnaissance d’Apis mellifera ruttneri comme « Insecte national / National Insect » de Malte. Cette démarche est appuyée sur une étude juridique approfondie réalisée par un juriste et une professeure de droit pour démontrer la légitimité réglementaire de la protection [17].

Le gouvernement maltais lance donc une consultation publique le 19 février 2024 sur une modification de la législation sur les espèces protégées (Designation of National Species / Species Protection Regulations, S.L. 549.120). Finalement, le 24 septembre 2024, une décision juridique officielle — le Legal Notice no 233/2024 — est publiée, proclamant l’abeille maltaise comme « Insecte national de Malte » [18].
Cette législation permet de promouvoir Apis mellifera ruttneri comme symbole national et ressource patrimoniale (accompagnée par l’émission d’une pièce de monnaie de deux euros [19]) ; d’intégrer sa conservation dans les politiques agricoles et environnementales ; de soutenir la recherche sur la sous-espèce. Les stratégies de conservation et de protection combinent, comme dans les programmes comparables en Europe : suivi génétique pour éviter l’introgression ; sélection de lignées pures, et élevage de reines locales ; définition de zones protégées (« sanctuarisation » de Conservation Zones, difficile à Malte du fait de la petite taille et de la densité de population de l’archipel) ; contrôle des importations (ici facilité par le caractère insulaire de Malte); sensibilisation des apiculteurs aux conséquences de l’hybridation (mais certains producteurs professionnels préfèrent des sous-espèces plus productives) et de l’opinion publique [20].
La protection d’Apis mellifera ruttnerin’est pas un cas isolé en Europe. Plusieurs pays ont développé des politiques similaires pour préserver des sous-espèces ou populations locales. Par exemple, la Sicile protège Apis mellifera sicula ; l’Italie continentale a mis en place des programmes pour Apis mellifera ligustica. La Slovénie (pays de la plus forte densité d’abeilles de l’UE) promeut son « abeille nationale » Apis mellifera carnica comme un symbole patrimonial et culturel, avec intégration dans les programmes éducatifs et touristiques : l’expérience slovène est souvent citée comme modèle européen de conservation combinant réglementation, suivi scientifique et valorisation culturelle [21]. A défaut de politiques publiques, des associations s’activent en France pour la conservation de populations locales de l’abeille noire Apis mellifera mellifera en Bretagne, dans le Massif central, en Savoie, etc.
Au bilan, on peut considérer que, dans le cas maltais, ce processus de reconnaissance/protection a été rapide : la description taxonomique en 1997 ; une prise de conscience sociétale concomitante de l’évolution des abeilles locales ; la formation d’une ONG en 2022 ; une démarche formelle de l’ONG en 2023 appuyée sur une mobilisation citoyenne ; une reconnaissance législative officielle en 2024.
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La décision de 2024 constitue un tournant historique pour la conservation de l’abeille maltaise. Mais la crise de « l’érosion génétique » est déjà bien engagée : malgré les efforts, une étude comparatiste européenne (Programme MEDIBEES, 2022) et une étude récente (2025) révèle que la proportion de colonies génétiquement « pures » serait désormais très faible — seules 11 % des abeilles testées seraient encore non hybridées. L’avenir d’Apis mellifera ruttneri dépend à la fois de sa résilience biologique intrinsèque et de l’efficacité des mesures de protection. Elle a des atouts face au changement climatique et aux variations de floraison. Mais l’introgression génétique par les abeilles commerciales et la pression de nouveaux parasites constituent des menaces majeures pour « l’abeille nationale maltaise ».

NOTES
[1] SHEPPARD Walter S., ARIAS Maria C., GRECH Arnold, MEIXNER Marina D. [1997], « Apis mellifera ruttneri, a new honey bee subspecies from Malta », Apidologie, Springer Verlag, 1997, vol.28, n°5, p.287-293. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00891462/document .Soit un chercheur américain, W.Sheppard (Washington State University); une chercheuse brésilienne, M.Arias (Universidade São Paulo); une chercheuse allemande, M.Meixner (Institut für Bienenkunde, Karl von Frisch Weg, Oberursel); et un agent agricole et apiculteur maltais, A.Grech, pionnier de la promotion de l’abeille maltaise.
[2] Plus souvent que d’après une chercheuse. Au vu des signataires d’articles scientifiques des dernières décennies, les chercheuses sont pourtant nombreuses dans le champ des études sur les abeilles. L’abeille crétoise, Apis mellifera adami a ainsi été nommée en 1975 en hommage à Frère Adam (1898-1996), « inventeur » de l’abeille Buckfast: RUTTNER Friedrich [1975], « A bee race named for Brother Adam: the Cretan bee, Apis mellifera adami » , Allgemeine Deutsche Imkerzeitung, 1975, no 9, p.271-272.
[3] La décision finale du baptême relève des descripteurs officiels de la Commission internationale de nomenclature zoologique (les 27 commissaires de l’ICZN, créée en 1895, siègent actuellement à l’Université nationale de Singapour), qui gère le Code international de nomenclature zoologique.
[4] Friedrich Ruttner (1914–1998) est l’une des figures majeures de l’apidologie du XXᵉ siècle. Médecin de formation et biologiste autrichien, il devient dans les années 1950 directeur de l’Institut für Bienenkunde d’Oberursel (Hesse), où il développe des travaux pionniers sur la biologie de la reproduction, la morphométrie et la génétique des abeilles. Entre les années 1960 et 1980, il construit la première classification systématique moderne des sous-espèces d’Apis mellifera, fondée sur la morphométrie, les analyses géographiques et la variabilité comportementale. Son ouvrage majeur, Biogeography and Taxonomy of Honeybees (1988), formalise la structure en lignées évolutives (A, M, C, O). Ruttner a profondément influencé la recherche internationale et formé plusieurs générations de spécialistes, dont Marina D. Meixner. Cf. RUTTNER Friedrich [1988], Biogeography and Taxonomy of Honeybees, Springer Verlag, Berlin, Heidelberg, New York, London, Paris, Tokyo, 1988, 284p. Cet ouvrage est LA référence taxonomique majeure, ayant préparé le terrain conceptuel pour la connaissance des sous-espèces et, en particulier, la reconnaissance de plusieurs sous-espèces méditerranéennes.
[5] GARNERY Lionel, CORNUET Jean-Marie, SOLIGNAC Michel [1992], « Evolutionary history of the honey bee Apis mellifera inferred from mitochondrial DNA analysis », Molecular Ecology 1992, vol.1, no. 3, p.145–154. URL: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/1364272
[6] JANCZYK Anna, MEIXNER Marina Doris, TOFILSKIA Adamet al. [2021], « Morphometric identification of the endemic Maltese honey bee Apis mellifera ruttneri, », Journal of Apicultural Research, 1/2021, p.157-164 URL : https://www.semanticscholar.org/paper/Morphometric-identification-of-the-endemic-Maltese/
[7] Cette zone centrale de l’aile antérieure est comprise dans un polygone délimité par plusieurs nervures principales (radiale, cubitale, basale). Son analyse morphométrique permet de distinguer les sous-espèces d’Apis mellifera.
[8] MANINO Aulo, LONGO Santi[2010], « The black Sicilian honey bee: a nomenclatural clarification », Redia, 2010, XCIII, p.103-105. URL : https://iris.unito.it/handle/2318/99296?;
[9] De la RUA Pilar, JAFFE Rodolfo, Dall’OLIO Raffaele, MUNOZ Irène, SERRANO José [2009] « Biodiversity, conservation and current threats to European honeybees », Apidologie, 2009, vol.40, no 3, p.263-284. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00892007/document
[10] Ligustica est elle-même une abeille partiellement hybridisée : FRANCK Pierre, GARNERY Lionel, CELEBRANO Giovanna, SOLIGNAC Michel, CORNUET Jean-Marc [2000], « Hybrid origins of honeybees from Italy (A.m.ligustica) and Sicily (A.m.sicula)», Molecular Ecology, 2000, vol.9, n°7, p.907-921. URL : https://doi.org/10.1046/j.1365-294x.2000.00945.x
[11] ADAM Frère [1985], Les croisements et l’apiculture de demain, Paris, Ed. du Syndicat National d’Apiculture, 1985, 128p. Traduction de Die Bienen Züchtung (1982)
[12] Le parasite a été identifié à Malte en août 1992. Il a provoqué une chute drastique du cheptel (certains articles de presse évoquent deux tiers de pertes), et par contrecoup l’importation massive de colonies extérieures, surtout ligustica (dont des reines italiennes venant de Nouvelle-Zélande, pays exempt de varroa jusqu’en 2000) En moyenne, la densité d’infestation par varroa est légèrement plus faible chez ruttneri que chez ligustica.
[13] Liste et brèves biographies de quelques-uns de ces acteurs sur le site de la Fondation pour l’abeille maltaise : https://maltesehoneybee.org/2024/07/23/discovering-the-maltese-honey-bee-full-interviews-revealed/
[14] ZAMMIT-MANGION Marion, MEIXNER Marina D., MIFSUD David, SAMMUT Sheryl, CAMILLERI Liberato [2017]« Thorough morphological and genetic evidence confirm the existence of the endemic honey bee of the Maltese Islands Apis mellifera ruttneri. Recommendations for conservation », Journal of Apicultural Research, 2017, vol.56, no 5, p.514-522. URL: https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00218839.2017.1371522
[15] Cf. https://maltesehoneybee.org/ourwork/
[16] Cf. https://docs.un.org/fr/A/RES/72/211
[17] DIMECH David Chetcuti, BORG Simone, BUTTIGIEG Abner, FARRUGIA Dylan [2023], « Review of the Maltese and European laws related to the genetic protection of the endemic Maltese honey bee (Apis mellifera ruttneri)», Londres, European Energy and Environmental Law Review, 2023, Vol.32, no 3, p.145-154. URL : https://www.researchgate.net/370072858_Review_of_the_Maltese_and_European_Laws
[18] Republic of Malta [2024], « ‘Legal Notice : 233 of 2024 – Regulations of 2024 amending the Protection of Protected Species (Declaration of National Species) Regulations. » Malta Government Gazette, 2024, No. 21, p.1519. URL : https://legislation.mt/eli/ln/2024/233/eng. Sont également déclarées « espèces nationales protégées » : un oiseau, un poisson, un crustacé, une plante et un arbre.
[19] Une pièce de 2 euros représentant l’abeille maltaise a été émise en 2024 par la Banque centrale de Malte, marquant symboliquement l’événement et contribuant à populariser la cause de la conservation. En 1972, une pièce de 3 mils (0,7 centimes d’euro) représentait déjà une abeille mais sans définition spécifique.
[20] La Fondation a lancé le projet des « Gardiens de l’insecte national / Custodians of the National Insect ». L’objectif est d’organiser un réseau de parrains (sponsors), propriétaires fonciers et apiculteurs pour établir des ruchers de ruttneri partout dans l’archipel.
[21] BURDY Jean-Paul[2021], « Les routes de l’abeille et du miel en Slovénie », Aix-en-Provence, Ed.Areion, CARTO no 64, mars-avril 2021, p.58-59. « Les routes de l’abeille et du miel en Slovénie », un article dans le magazine CARTO no 64, mars-avril 2021, p.58-5

