Compte-rendu de lecture – Jean Meurisse [2022/2024], L’esprit de la ruche. La vie secrète des abeilles. Illustrations de Catherine Meurisse.



Références

MEURISSE Jean  [2022]  L’esprit de la ruche. La vie secrète des abeilles, Illustrations de Catherine Meurisse, Editions Ouest-France, 2021, 222p.

Et, après un changement d’éditeur:

MEURISSE Jean  [2024]  La vie secrète des abeilles, L’esprit de la ruche. Illustrations de Catherine Meurisse, Delachaux & Niestlé, 2024, 222p.


Compte-rendu critique

Jean Meurisse est ingénieur des Arts & Métiers de formation, devenu apiculteur amateur. Et, comme nombre d’apiculteurs, amateurs ou professionnels, il a décidé de consacrer un ouvrage à ses chères abeilles. Le plan est des plus classiques, en trois grandes parties : 1/ L’abeille à l’extérieur ; 2/ L’abeille à l’intérieur ; 3/ L’abeille et les hommes. L’ouvrage est construit en chapitres assez courts, dédiés chacun à un aspect de l’apiculture, une présentation de la vie dans une ruche, de la naissance d’une larve à la fin de la vie d’une butineuse. L’ouvrage de Meurisse est illustré par sa fille, la célèbre dessinatrice Catherine Meurisse, illustratrice jeunesse, auteure de bandes dessinées, et reporter-illustratrice de presse (elle a longtemps signé dans Charlie Hebdo).



Meurisse restitue la complexité des mécanismes collectifs qui structurent la ruche. Il vulgarise notamment les phénomènes de thermorégulation, de répartition du travail, de communication phéromonale et de prise de décision collective, en montrant comment ces processus émergent d’interactions individuelles simples. ’une des forces du texte est de faire sentir au lecteur la dimension profondément émergente de la ruche : loin d’un anthropomorphisme naïf, Ce qui permet à l’auteur de parler d’un « esprit » au sens métaphorique, pour désigner ce que la science appelle « l’intelligence collective. » Laquelle repose donc sur un petit insecte qui pèse à peine un dixième de gramme, avec un cerveau d’un milligramme.

Le style choisi entend réhabiliter une approche sensible de la nature, où la connaissance ne se limite pas à la description fonctionnelle, mais inclut l’expérience vécue et l’émotion. Meurisse interroge également la relation entre l’homme et l’abeille, notamment à travers la question de l’interventionnisme souvent excessif dans la ruche, du fait de pratiques productivistes. Il souligne l’impact négatif de l’environnement contemporain : surconsommation de pesticides, attaques de parasites divers. D’où la perte de biodiversité à l’échelle planétaire. Meurisse dépasse donc la seule description apicole pour proposer une réflexion sur l’intelligence collective et l’équilibre délicat des systèmes vivants. La ruche devient un modèle d’organisation qui invite à repenser solidarité, coopération et responsabilité écologique.

L’ouvrage présente toutefois quelques limites. De notre point de vue, la principale tient à son positionnement hybride, entre vulgarisation scientifique et récit personnel. Du coup, certains concepts scientifiques sont trop rapidement évoqués.

Au total, Jean Meurisse propose une immersion attentive et poétique dans la vie des abeilles, en conciliant regard scientifique, expérience de terrain et sensibilité naturaliste. L’ouvrage se situe clairement dans la lignée des écrits de vulgarisation éclairée, à destination du grand public, y compris adolescent. Un des mérites du livre réside dans l’équilibre trouvé entre rigueur de l’observation et subjectivité assumée d’un praticien et observateur. On est un peu dans une logique de carnet naturaliste superbement illustré.