

Le prêtre catholique Jan Dzierżon (1811–1906) est surtout connu comme « l’apiculteur silésien » : ses recherches (mise en évidence de la parthénogenèse des faux-bourdons) et ses inventions (la mise au point d’une ruche à cadres mobiles) ont profondément marqué l’apiculture moderne. Auteur prolifique en allemand et en polonais, beaucoup traduit, il a rapidement acquis une notoriété internationale.
Eléments de biographie : un prêtre apiculteur écarté par l’Eglise
Jan (Johann) Dzierżon est né en 1811 à Lowkowitz / Łowkowice en Silésie prussienne, dans une famille paysanne polonaise. Après des études au lycée allemand de Breslau (Wrocław) il suit des études de théologie catholique et est ordonné prêtre. Il devient curé rural en Silésie, tout en menant parallèlement des recherches apicoles : il crée alors la Société d’apiculture de Silésie. Mais ses observations et expériences scientifiques – notamment sur la reproduction des abeilles, provoquent l’hostilité d’une Eglise très conservatrice. En 1870, Dzierżon refuse de signer l’engagement personnel de chaque prêtre d’adhérer au dogme de de l’infaillibilité pontificale énoncé par le Concile Vatican I (en même temps que. le concept de révélation dans le domaine scientifique, et le rejet du matérialisme et du rationalisme). Ayant dénoncé ce dogme dans la presse silésienne, Dzierżon est excommunié en 1873.
Dès le milieu des années 1830 il entreprend des observations systématiques sur la biologie et la conduite des ruches. Vers 1838 il conçoit des modèles de ruches à cadres amovibles (précisant la distance entre cadres) qui améliorent l’accès aux rayons sans détruire la colonie comme c’est souvent le cas lors de la récolte dans les paniers fixistes : son invention sera perfectionnée par August Adolph von Berlepsch en Thuringe et par L.L. Langstroth aux Etats-Unis. Il publie de nombreux articles à partir de 1844 et, en 1845, expose sa théorie sur la reproduction des abeilles. Au milieu du siècle, il regroupe ses méthodes et travaux dans « Theorie und Praxis des neuen Bienenfreundes ». Il fonde des revues apicoles : Der Bienenfreund aus Schlesien, puis Rationelle Bienenzucht ; et il publie en allemand (la langue scientifique par excellence à l’époque) et en polonais traités, manuels (Rationelle Bienenzucht) et de très nombreux articles, traduits et diffusés en Europe et aux Etats-Unis (Dzierzon’s Rational Bee-keeping) . Il continue ses recherches sur la sélection de races, l’introduction et la diffusion de l’abeille italienne Apis mellifera Ligustica (dont il a acquis une colonie en 1853), la sécrétion de la gelée royale, les méthodes d’élevage, l’essaimage artificiel, etc. En 1845, Dzierżon formule l’idée que les mâles (faux-bourdons) proviennent d’œufs non fécondés, tandis que les femelles (reines et ouvrières) proviennent d’œufs fécondés (ce sur quoi le Genevois François Huber avait buté à la fin du siècle précédent) : c’est la mise en évidence de la parthénogenèse (haplodiploïdie) chez l’abeille. Cette découverte, fondée sur observations et expériences de terrain, eut un grand retentissement scientifique et pratique — elle changea radicalement la compréhension de la généalogie et de l’élevage des abeilles et fit l’objet de nombreux débats et de confirmations expérimentales ultérieures.
Dzierżon , quelle nationalité : Silésien, Polonais ou Allemand ?
Sa notoriété internationale (« l’apiculteur de Silésie », « le père de l’apiculture » « der Altmeister der Imker »…) s’affirme rapidement à partir des années 1850–1880 : la combinaison d’une théorie biologique originale (parthénogenèse), d’innovations techniques (ruche à cadres mobiles) et d’une production éditoriale régulière et abondante en allemand et en anglais permet une large diffusion de ses idées. Il a reçu de nombreuses récompenses, des décorations, des doctorats honoris causa, etc. Il sera admis dans plusieurs académies et sociétés savantes européennes.


Du coup, deux pays s’en disputent assez tôt la « nationalité », à la fois complexe et objet de débats historiographiques. Né dans une famille polonaise en Silésie prussienne, éduqué dans l’école allemande, il écrivait principalement en allemand (langue administrative et scientifique) et portait des titres et décorations octroyés par l’État prussien. Il s’identifiait culturellement en partie comme Polonais : il parlait et écrivait le polonais. Et il se considérait aussi comme Silésien d’origine polonaise et culturellement allemand… Sa position exacte dépend donc du critère retenu : origine ethnique familiale, langue familiale (le silésien), langue de travail, citoyenneté juridique, auto-identification. En pratique, son héritage est revendiqué tant par l’historiographie polonaise que par des récits allemands. Le IIIe Reich a mis en œuvre des signes d’appropriation: en 1936 les autorités nazies renommèrent sa localité natale Lowkowitz en « Bienendorf / Le village des abeilles » (1936-1945) Après 1945, la mémoire et la toponymie sont réajustées par la nouvelle Pologne, qui revient à Łowkowice, et donne le nom de Dzierzon (« Dzierżoniów ») à la ville de Rychbach/Reichenbach en Basse-Silésie, dont les Allemands ont été expulsés.


Critiques des travaux de Dzierzon
Dzierżon fut l’objet de critiques sur plusieurs plans et à différentes époques. Immédiatement après la publication de sa théorie sur la parthénogenèse, des oppositions d’ordre religieux (les milieux catholiques conservateurs) et de biologistes conservateurs se firent entendre, l’idée d’un mâle sans père heurtant des présupposés culturels et religieux. Par la suite, des apiculteurs et auteurs praticiens ont critiqué des aspects techniques de ses méthodes, par exemple l’efficacité de certaines techniques d’essaimage artificiel. Mais ces critiques, dont certaines ont permis de préciser et nuancer certaines de ses affirmations, n’ont pas remis en cause l’importance historique fondamentale de ses apports.
QUELQUES REFERENCES



1/ Ouvrages et articles de Dzierzon en allemand et polonais
DZIERZON Jan [1845], « Chodowanie pszczół. Sztuka zrobienica złota, nawet z zielska », Tygodnik Polski poświęcony włościanom, Pszczyna, 15 novembre 1845, n.pag.
DZIERZON Jan [1845] (1811-1906), « Es tritt ein neuer Bienenfreund auf », Vereinigte Frauendorfer Blätter, 1845, no 46, p.361 ; Der neue Bienenfreund, Vereinigte Frauendorfer Blätter 1845, no 52, p.411–412.
DZIERZON Jan [1845] « Gutachten über die von Hrn. Direktor Stöhr im ersten und zweiten Kapitel des General-Gutachtens aufgestellten Fragen », Bienen-Zeitung, 1845, no 11 & 12, p.109-113, & p.191-121. URL: http://www.ckstarr.net/cks/Dzierzon1845.pdf
DZIERZON Jan [1847/1848/1851/1852] (1811-1906), Theorie und Praxis des neuen Bienenfreundes, von Bruckisch (éd.), 1847, 1848, 304 pages (*Facs*); Nachtrag zur Theorie und Praxis des neuen Bienenfreundes, oder einer Neuen Art der Bienenzucht mit dem günstigsten Erfolge angewendet und dargestellt, Nördlingen, C.H. Beck’sche Buchhandlung, 1851.
DZIERZON Jan (1811-1906) & LOMPA Jozef 1797-1863) [1849/1851/1852/1859],Nowe udoskonalone pszczelnictwo księdza plebana Dzierzona w Katowicach na Śląsku, N.Pekary, 1849, 257p.+98p. ; Nowe Piekary, 1851; Leszno 1859, etc.
DZIERZON Jan [1853], Najnowsze pszczelnictwo, Lwów, 1853, n.pag.
DZIERZON Jan (rédacteur en chef) [1854-1856], Mensuel : Der Bienenfreund aus Schlesien, ein Monatsblatt zur Belehrung und Unterhaltung für Naturfreunde überhaupt und Bienenzüchter insbesondere, Brieg, Bänder, 30 nos, 1854-1856
URL :Full viewno. 1-30 (1854-56)
DZIERZON Jan (1811-1906) & BRUCKISH Wilhelm [1849/1857/1861],Neue verbesserte Bienen-Zucht des Pfarrers Dzierzon zu Carlsmarkt in Schlesien / Hrsg. und erl. vom Bienen-Vereins-Vorsteher Bruckisch, Neisse, Wangenfield, 1849, 304p., 1857; Quedlingburg u. Leipzig, Ernst’sche Verlag Buchhandlung, 1861, 288p.
DZIERZON Jan [1861/1878/1882], Rationelle Bienenzucht, oder Theorie und Praxis des schlesischen Bienenfreundes Pfarrer Dzierzon in Carlsmarkt, Brieg, Falsh, 1861, 314p.; Basel / Berlin: Creutz’sche Verlagsbuchhandlung, 358p. ; 1882
DZIERZON Jan [1890], Der Zwillingsstock: erfunden und als zweckmäßigste Bienenwohnung durch mehr als 50jährige Erfahrung bewährt befunden, Kreuzburg, Thielmann, 1890, 84p.
DZIERZON Jan [1885/1931], Lebensbeschreibung von ihm selbst, (parcours écrit par Dzierzon le 4 août 1885, imprimé/réimprimé notamment dans le Heimatkalender des Kreises Kreuzburg 1931)
2/ Principales traductions des ouvrages de Dzierzon
Entre le milieu du XIXᵉ et début XXᵉ, en général parus dans des articles de revues, traductions ou extraits de Dzierzon en anglais, américain, français, italien, espagnol, néerlandais, russe, bulgare, arménien
DZIERZON Jan [1853], Dodatek do teorii i praktyki nowego pszczelarza, Leszno 1853, 98p.
DZIERZON Jan(1811-1906) [1856], Den nyaste Biskötselns Theori och Praxis, med de gynnsammaste resultat anwänd och framställd, af Dzierzon, Pastor i Carlsmarkt; öfwersättning af A. Wennergren, Carlstad, Carl Kjellin, 1856, 170p. (trad. En suédois de l’ouvrage de 1847)
DZIERZON Johann (ДЗЕРЖОН ИОГАНН -(Ян) [1864/2014], Пчеловодство по методy Дзержона [L’apiculture selon la méthode Dzierzon] СПб. St-Petersburg, тип. т-ва « Обществ. Польза« , 1864, 108p : reprint 2014, 128p.
DZIERZON Johannes [1882], trad.angl.par H.DIECK, S.STUTTERD, revised by Charles NASH ABBOTT: Dzierzon’s rational bee-keeping, or, The theory and practice of Dr. Dzierzon of Carlsmarkt, London, Houlston, 1882, 350p. Reprint: Kessinger Publishing. (*JPB*Facs-Amazon-2013-23€). Extraits parus en américain sous forme de brochures, et dans l’American Bee Journal
3/ Biographies, ouvrages et articles sur Dzierzon
BUSCH Ferdinand B. [1855], Was ist von der Dzierzon’schen Bienenzucht-Methode zu halten? oder: Wie ist der Bienenzucht in Wahrheit aufzuhelfen, besonders bei dem Landmanne? Nebst Gruudzügen zu einem sicheren Betriebe derselben in honigarmen Gegenden, Eisenach, Bärecke, 1853, 136p.
GÄRTNER J.F. [1854], Die neueste Bienenzucht nach den Grundsätzen des Pfarrers Dzierzon zu Carlsmarkt in Schlesien. 1854, 30p..
HUBER Ludwig [1863/1869/1875/1880/1884/1886/1888/1892/1896/1913/1919], Die Neue Nützlichste Bienenzucht Oder der Dzierzonstock, dessen Zwockmassigkeit zur Honiggewinnung und zur Vormehrung zer Bienen, nebst dem Nothwend , Schauenburg Lahr, Geiger Verlag, 1863, 136p. ; 1869 ; 1875 ; 1880, 256p. ; 1886 ; 1888 ; 1892, 312p. ; 1919 (reprint 2013).
ARNOLD Carl Theodor [1873/1885], Die goldenen Regeln der Bienenzucht, nach Dr. Dzierzon, von Berlepsch und anderen Meistern, Ausbach, 1873 ; 1885.
(fondateur du Bienenzüchterverein Ansbach / Association des apiculteurs d’Ansbach)
ARMBRUSTER Ludwig [1923], Die Einschränkung der Dzierzonschen-regel bei Bienen, Freiburg, Theodor Fischer, 1923, 71p.
KALUZA Victor [1931], Die Reise nach Lowkowitz. Ein Bericht über den Bienenvater Dzierzon. 1931.
FLEISCHER Karl (s.d.) [1931], Dr.Jan Dzierzon, der Altmeisterer der deutschen Imker Oppeln, Der Oberschlesier. Monatsschrift für das heimatliche Kulturleben, 1931, 13 Jg., Heft 10, 56p. (no spécial, série d’articles pour le 25e anniversaire de son décès).
GÄRTNER R. [1931], Johann Dzierzon, Schlesische Lebensbilder,1931, Band IV, p.396-402
ADAMEK Johann [1932], Altmeister Dr. Dzierzon im Lichte polnischer Bienenzeitschriften. Schriftenreihe der Vereinigung für oberschlesische Heimatkunde, Oppeln 1932, Heft 4, p.14-17
FLEISCHER Karl [1932], « Dr. Joh. Dzierzon, der Altmeister der deutschen Imker », Schriftenreihe der Vereinigung für oberschlesische Heimatkunde, Oppeln 1932, Heft 4, p.9-14
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CHMIELEWSKI W. [2006], « World-Famous Polish Beekeeper – Dr. Jan Dzierżon (1811–1906) and his work in the centenary year of his death », Journal of Apicultural Research, 2006, Vol. 45, no 3.
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SICH Franz A.(dr.med.) [s.l., s.d. années 2010 ?], Johann Dzierzon im Lichte der Biographen, Bavière, c.2010

